vendredi, septembre 19, 2008

Et il pensait encore à elle, longtemps après qu'elle soit partie...

J'ai un peu honte. C'est le syndrome du vendredi après-midi, ça: un tas de trucs à faire mais rien de vraiment urgent et le soleil qui me nargue dehors... Dans ces moments-là, j'aurais (presque) envie d'être au chômage.

Je vous le disais: j'ai honte... Et j'ai des raisons. Je sais que j'ai un super job. Même en cherchant bien, en y passant des heures, en y mettant tous mes neurones, je ne parviens pas à imaginer ce que je pourrais trouver de mieux. Il a été taillé pour moi, ce boulot. Ou moi, pour lui. Je le sais. Mais... Le vendredi après-midi, quand le week-end tarde à pointer son nez, c'est plus fort que moi: je rêve de chômage. Ou de très longues vacances.

Au fond, rien ne m'intéresse d'autre que la passion. Les passions. Quand ça bouge, que les gens vont et viennent, et que je peux courir avec eux, ou m'émerveiller de leurs agitations sans fin, quand j'ai peur, même, quand je ne me sens pas à la hauteur. Et quand j'aime. Bien sûr... En dehors de cela, il n'y a rien. Des creux, des vides. De la fadeur sur les murs. Rien.

Les vendredis sont des jours comme ça: mon ordinateur et quelques PV de réunions. Rien à aimer, aucun rêve à caresser, et, pour seul désir, le week-end, l'évasion. Plus qu'un désir, c'est une obsession. Ca hurle et ça emplit ma tête. Les papiers que je suis censée lire s'accumulent en tas informe à côté de moi. Et ce désordre nourrit l'obsession. Je ferme le tiroir "bureau" pour en ouvrir d'autres, un tas d'autres. Ce ne sont plus des papiers mal rangés, ce sont des draps froissés: des draps de grasse matinée et de nuits passées tout contre son corps. Ce sont des caresses, ce sont des mains... Et moi, je divague sans fin. Sur le bureau d'en face la maquette qui trône, impériale et fascinante, prend vie. Elle m'emporte. C'est une ville que j'aime, dans laquelle je me perds. C'est Bruxelles. Je cours dans ses ruelles, je m'enfonce, je sombre... et finis par me réveiller, hébétée, dans un bureau où rien n'a bougé d'un poil. Rien sauf les minutes, qui défilent à une lenteur coupable. C'est mou. Je m'englue dans mes fins de semaines.

Au fond, rien ne m'intéresse d'autre que la passion. Et j'en ai moins honte que je ne le prétends. J'aime être passionnée. J'aime à penser que mes airs timides cachent de grands élans. Mais j'ai peur parfois... Peur de les tuer à les garder enfermés.

Alors, au diable les papiers qui s'accumulent, et bonjour la vie. Cette après-midi est presque finie.

mercredi, septembre 17, 2008

Mais que ferai-je du cahier de solfège?

Une petite enveloppe, en haut à gauche de mon écran et un texte: espace insuffisant pour stocker de nouveaux messages. C'est ce qui m'avertit que mon gsm est arrivé à saturation et que je vais devoir me livrer au rituel - pénible - du tri de mes sms.

Les rendez-vous passés, les messages "organisationnels" sont les premiers à en faire les frais. Mais il arrive que cela ne suffise pas. Viennent alors les souvenirs... Des voeux d'anniversaire, vieux de presque deux ans. Des moments à forte valeur sentimentale mais dont les textes ne veulent plus dire grand chose. Des blagues, des sourires, des clins d'oeil. Supprimer. Certains, avec le temps, sont devenus plus insignifiants que d'autres. N'empêche... Au moment de les envoyer à la poubelle, ça fait toujours un petit pincement au coeur. Dorénavant, je ne me souviendrai plus de ça. En balayant les mots - ces mots que les autres nous ont offerts - on perd des instants de vie. On croit les perdre, en tous cas...

Je viens de passer en revue les sms que j'avais décidé de conserver, jusqu'ici... Aucun ne me semblait superflu mais j'ai quand même réussi à en effacer cinq ou six. Je ne sais pas si j'ai bien choisi... La semaine passée, j'avais rangé mes mails, de la même façon. A cette différence près que la place fait de moins en moins défaut sur internet. Les boîtes mails sont devenues élastiques et les programmes de messagerie permettent de télécharger des kilomètres de textes sur nos disques durs. On les range dans des petits dossiers. Pour plus tard. Quand? On le sait rarement. Plus tard, quand j'aurai envie/besoin de me souvenir. Pour mes vieux jours. Plus tard... Pour mes enfants...

Je ne suis pas sûre que je prendrai jamais la peine de rouvrir ces petits dossiers (et mes pauvres enfants, si j'en ai, se noieraient à le faire, même maintenant. Dans 50 ans, je n'imagine même pas...) Mais savoir que je peux, si je le veux, faire revivre à la demande les mots des autres, ceux qu'ils ont composé un soir sur un clavier d'ordinateur à mon intention, a quelque chose de rassurant. C'est comme les tiroirs bordéliques et les tonnes de photos qu'on accumule dans des albums poussiéreux et des dossiers informatiques. C'est le passé, à portée de main. Une forme de fuite. Confortable.

Parfois, il m'arrive de me dire qu'on vivrait mieux, sans tous ces bibelots. On s'encombrerait moins, on profiterait plus du moment présent, on serait plus transparents, plus propres, plus rangés... Mais peut-être plus chiants aussi. Le désordre du passé est souvent nécessaire pour se repérer dans la jungle des futurs, se sentir avancer, se passionner.

N'empêche... Il faudra un jour que j'apprenne à jeter...

mardi, septembre 09, 2008

Quelque chose du bonheur

Ca se passe un samedi soir, dans un petit théâtre bruxellois. Je n'avais pas très envie d'y aller, au départ. La flemme. C'est comme ça, ces temps-ci. J'oscille entre un dynamisme ébouriffant et une grosse flemme paralysante, traversée d'inexplicables pointes de stress. Samedi, le stress n'y était pas. Mais la flemme, si. Pas emballée à l'idée de passer la soirée debout au milieu d'inconnus ni de devoir fendre la foule et jouer des coudes pour atteindre le bar.
La flemme...
Mais pas vraiment envie de lutter non plus. Pas envie d'en parler.

On y est donc allé sans se poser de questions. C'était dans le programme de la soirée... Et on a même attrapé le bus prévu, pour une fois. Bon présage.

En arrivant sur place, je me disais qu'on ne resterait probablement pas longtemps mais que bon, ce serait cool de voir du monde. Puis, on a découvert que le concert aurait lieu dans le bar, en toute intimité, et ce fut le début d'une de ces soirées rares, hors du temps. Le commencement de ce truc un peu dingue qu'on appelle ici "bonheur".

Ce genre de moments, on ne sait jamais quand ça vous tombe dessus. Pas que ça aille mal, pour l'instant, au contraire. J'ai quasiment intégré mon statut de fille chanceuse. Mais personne n'est à l'abri des stress quotidiens, des migraines, insomnies et autres contrariétés des gens normaux. Personne... Pas même les filles chanceuses. Le bonheur, quand je le croise, a donc, toujours, ce goût unique qui transforme les soirées banales en pures pépites. Et ce fut le cas ce soir-là.

Calés sur les deux dernières chaises libres, nous avons, une heure durant, écouté ce petit groupe américain nous chanter ses balades folk intimistes, tandis que, savourant mon Orval à toutes petites gorgées, je me souvenais d'une adolescente qui voulait faire comme eux. Etre sur scène. Longtemps, longtemps, j'ai souffert de ce rêve. Ce rêve inaccessible qui ne collait pas avec moi, ce rêve trop grand. Mais samedi, j'ai pris conscience que cette amertume, ce goût de trop peu n'existait plus. Ca fait un moment, sans doute, qu'il s'est envolé, laissant la place à une foule d'autres espoirs plus ou moins stupides, plus ou moins fous mais toujours méchament enthousiasmants. N'empêche... Brusquement, je me suis sentie différente. Légère, légère... D'une légèreté désarmante.

Et à partir de là, j'ai profité de tout. De la bière, des murs rouges et de ses bras. Des notes aussi. De jolies notes. Et regardant les deux petites personnes sur scène avec un sourire béat, je me suis laissée gagner par ce truc-là. Le bonheur. Ca avait quelque chose quasi indécent. Mais qu'importe. C'était grand...

"C'était" parce qu'évidemment, ce genre de moments, ça ne dure pas. Mais ça reste quand même quelque part. Et quelque part, c'est tout ce qui compte.

lundi, septembre 01, 2008

Eux.

A trois, au fil des ans, ils ont construit un petit équilibre, fragile, en apparence, mais très fort en fait. Contre vents et marées, dépression, blessures familiales, ruptures, opération cardiaque, angoisses de (peut-être futurs) enfants et "beaux-enfants"... Ils ont tout surmonté ensemble avec une pugnacité qui est belle à voir. Mais qui impressionne un peu, quand on la regarde de l'extérieur.

Quelques fois, à force de persévérance, j'ai la chance d'intégrer leur petit univers. J'y vais avec J., quand il me l'autorise, et, presque toujours, j'en sors flattée, heureuse, d'une joie de petite fille que j'ai du mal à m'expliquer... Non que ça ressemble à un quelconque privilège mais je sais ce que ça représente à ses yeux. Et je sais qu'il s'inquiète, avant. Pour moi. Pour eux. Pour la sauce qui prendra, ou ne prendra pas. J'y vais alors avec une légère appréhension, qui s'efface toujours très vite. Il suffit de les regarder. Il suffit de voir leur complicité, discrète mais terriblement présente. Et sa joie à Lui, cette joie que je ne me lasserais jamais d'observer, de se savoir ensemble. Avec eux. Avec moi. A quatre, pour une fois.

En général, on est tous les deux quand V. arrive. Il a beau me la décrire comme une retardataire chronique, qui lui a appris à ne pas se formaliser des retards des gens - de mes retards, en particulier - moi, je ne la connais que très à l'heure. Impressionnante de style et de confiance en elle. Apparemment. Quand elle arrive, il n'est pas rare que ses cheveux aient changé de coupe, ou de couleur, ou, plus souvent encore, de coupe ET de couleur. En général, c'est le genre de personne avec qui je ne me lie pas facilement. On pourrait prendre ça pour du dédain mais c'est tout le contraire. C'est de la peur. C'est une impression d'abominable insignifiance. V. impressionne...

Mais, par la force des choses, on se côtoie et plus encore: on s'apprécie. Contre toute attente, elle m'écoute. Elle a même dit à son frère que "j'assurais en société". Jamais je n'avais entendu de tels propos à mon égard. A première vue, ils ne se ressemblent pas, Lui et Elle. Là où il a grandi en cultivant les doutes, les peurs et cette sensibilité que j'aime tellement, elle semble avoir traversé les épreuves en bulldozer. Mais ce ne sont là que des apparences, qu'elle cultive avec élégance et conviction. Comme, en apparences, on ne se ressemble pas, Elle et moi. Et pourtant... On partage plus d'un trait de caractère... et un signe astrologique. Il m'arrive de me dire qu'il m'a choisie un peu pour ça...

S., finalement, arrive après tout le monde. Toujours en retard d'une ou deux nuits de sommeil, qu'il a passées à étudier les problèmes des cultivateurs de coton du Sud. S. est l'élément stabilisateur du groupe. Quand il arrive, s'il me restait quelques appréhensions quant à ma place parmi eux, il termine de les dissiper. Toujours. S. est rassurant. Il ne se rassure pas vraiment lui-même. Mais il a quelque chose d'un grand frère que j'ai adopté tout de suite, sans le connaître vraiment. Au fond, je ne connais aucun d'eux vraiment. Si, J., un peu, beaucoup, passionnément, par l'histoire qui nous lie. Mais même Lui reste un gouffre à mystères que je me plais à explorer, chaque jour, avec une délectation sans cesse renouvellée.

La soirée, finalement, se passe entre repas gargantuesques, payés par S., le grand frère, le meilleur ami, et douceur des gorgées de bières spéciales conseillées par V. A la fin, presque toujours, j'ai cette fierté très enfantine d'être la plus intégrée des "pièces rapportées". Un brin de tristesse, aussi, pour les deux autres, qui sont rarement là, si ce n'est dans nos conversations. Emportés qu'ils sont par leurs vies, leurs soucis, leurs rêves inassouvis d'enfants, réels ou à venir, mais lointains. Trop lointains... J. et moi sommes les plus jeunes et les plus insouciants. C'est curieux parce que, "jeunes" on l'a toujours été. Mais "insouciants" pas vraiment. Et maintenant, si, on l'est... Terriblement...

A trois, au fil des ans, ils ont construit un petit équilibre, qui peut sembler fragile et incertain, de l'extérieur, mais qui ne l'est pas le moins du monde pour ceux qui les connaissent. Je ne sais pas si je suis de ceux-là, si je commence à l'être, mais je sais que, parfois, ils m'ouvrent cet univers secret. J'en ressors flattée, heureuse. D'une joie enfantine que je ne m'explique pas...

Et je tuerais pour que ça continue.