lundi, septembre 01, 2008

Eux.

A trois, au fil des ans, ils ont construit un petit équilibre, fragile, en apparence, mais très fort en fait. Contre vents et marées, dépression, blessures familiales, ruptures, opération cardiaque, angoisses de (peut-être futurs) enfants et "beaux-enfants"... Ils ont tout surmonté ensemble avec une pugnacité qui est belle à voir. Mais qui impressionne un peu, quand on la regarde de l'extérieur.

Quelques fois, à force de persévérance, j'ai la chance d'intégrer leur petit univers. J'y vais avec J., quand il me l'autorise, et, presque toujours, j'en sors flattée, heureuse, d'une joie de petite fille que j'ai du mal à m'expliquer... Non que ça ressemble à un quelconque privilège mais je sais ce que ça représente à ses yeux. Et je sais qu'il s'inquiète, avant. Pour moi. Pour eux. Pour la sauce qui prendra, ou ne prendra pas. J'y vais alors avec une légère appréhension, qui s'efface toujours très vite. Il suffit de les regarder. Il suffit de voir leur complicité, discrète mais terriblement présente. Et sa joie à Lui, cette joie que je ne me lasserais jamais d'observer, de se savoir ensemble. Avec eux. Avec moi. A quatre, pour une fois.

En général, on est tous les deux quand V. arrive. Il a beau me la décrire comme une retardataire chronique, qui lui a appris à ne pas se formaliser des retards des gens - de mes retards, en particulier - moi, je ne la connais que très à l'heure. Impressionnante de style et de confiance en elle. Apparemment. Quand elle arrive, il n'est pas rare que ses cheveux aient changé de coupe, ou de couleur, ou, plus souvent encore, de coupe ET de couleur. En général, c'est le genre de personne avec qui je ne me lie pas facilement. On pourrait prendre ça pour du dédain mais c'est tout le contraire. C'est de la peur. C'est une impression d'abominable insignifiance. V. impressionne...

Mais, par la force des choses, on se côtoie et plus encore: on s'apprécie. Contre toute attente, elle m'écoute. Elle a même dit à son frère que "j'assurais en société". Jamais je n'avais entendu de tels propos à mon égard. A première vue, ils ne se ressemblent pas, Lui et Elle. Là où il a grandi en cultivant les doutes, les peurs et cette sensibilité que j'aime tellement, elle semble avoir traversé les épreuves en bulldozer. Mais ce ne sont là que des apparences, qu'elle cultive avec élégance et conviction. Comme, en apparences, on ne se ressemble pas, Elle et moi. Et pourtant... On partage plus d'un trait de caractère... et un signe astrologique. Il m'arrive de me dire qu'il m'a choisie un peu pour ça...

S., finalement, arrive après tout le monde. Toujours en retard d'une ou deux nuits de sommeil, qu'il a passées à étudier les problèmes des cultivateurs de coton du Sud. S. est l'élément stabilisateur du groupe. Quand il arrive, s'il me restait quelques appréhensions quant à ma place parmi eux, il termine de les dissiper. Toujours. S. est rassurant. Il ne se rassure pas vraiment lui-même. Mais il a quelque chose d'un grand frère que j'ai adopté tout de suite, sans le connaître vraiment. Au fond, je ne connais aucun d'eux vraiment. Si, J., un peu, beaucoup, passionnément, par l'histoire qui nous lie. Mais même Lui reste un gouffre à mystères que je me plais à explorer, chaque jour, avec une délectation sans cesse renouvellée.

La soirée, finalement, se passe entre repas gargantuesques, payés par S., le grand frère, le meilleur ami, et douceur des gorgées de bières spéciales conseillées par V. A la fin, presque toujours, j'ai cette fierté très enfantine d'être la plus intégrée des "pièces rapportées". Un brin de tristesse, aussi, pour les deux autres, qui sont rarement là, si ce n'est dans nos conversations. Emportés qu'ils sont par leurs vies, leurs soucis, leurs rêves inassouvis d'enfants, réels ou à venir, mais lointains. Trop lointains... J. et moi sommes les plus jeunes et les plus insouciants. C'est curieux parce que, "jeunes" on l'a toujours été. Mais "insouciants" pas vraiment. Et maintenant, si, on l'est... Terriblement...

A trois, au fil des ans, ils ont construit un petit équilibre, qui peut sembler fragile et incertain, de l'extérieur, mais qui ne l'est pas le moins du monde pour ceux qui les connaissent. Je ne sais pas si je suis de ceux-là, si je commence à l'être, mais je sais que, parfois, ils m'ouvrent cet univers secret. J'en ressors flattée, heureuse. D'une joie enfantine que je ne m'explique pas...

Et je tuerais pour que ça continue.

4 commentaires:

Sociétés et Décadence a dit…

Superbe texte !

Mélie a dit…

(...)
t'assures tout le temps de toute manière :))

Phiphine a dit…

:)
Je ne suis pas sûre d'assurer tout le temps, non. Mais, hihi, c'est gentil.

Merci à tous les deux.

Et désolée pour mes absences, parfois. Je les passe à courir après le temps...

Sociétés et Décadence a dit…

Bonjour Phiphine,

Un conseil ? Ne gaspille pas trop de temps à courir après le temps, car il est amplement capable de le faire à ta place : veux, veux pas, peu importent les circonstances, le temps nous rattrape toujours trop rapidement et ce, qu’on le veuille ou non…

Bonne fin de semaine !