lundi, septembre 25, 2006

Petit Poucet

Samedi, on pouvait suivre les clients à la trace sur le sol de la librairie. Ca faisait longtemps qu'il n'avait plus plu mais je ne m'en étais pas rendu compte... Bizarrement, j'ai été attendrie par les chemins de gouttes de pluie qui s'étaient formés dans le sillages de nos clients. On aurait dit les cailloux blancs du Petit Poucet... Vaines tentatives de l'enfant perdu pour se retrouver, au milieu de sa forêt de tourments, de projets et d'angoisses. J'ai brusquement été prise d'une immense tendresse pour ces gens qui venaient m'acheter des livres. Du bébé au sourire d'ange au jeune homme rieur en passant par les clients pressés, les timides, les BCBG, les fauchés, les stressés, les charmants et même les autres, les cas difficiles à qui on meurt d'envie, parfois, de donner une bonne paire de gifles pour leur faire passer le goût de l'arrogance. Tous ces gens dont je partage l'existence pendant une minute, le temps d'aller chercher un manuel scolaire, de prendre une commande et d'encaisser le billet qu'ils me tendent. Perdus dans leurs forêts personnelles, sur leur chemin de pluie qui, un jour, par hasard, vient à croiser le mien...

J'aime bien ce job... J'ai pas fait mes études pour me retrouver derrière une caisse enregistreuse, certes, mais je savoure ces instants complices à la croisée des chemins, ces moments superficiels où l'on ne comprend pas le millième de la complexité de la personne qui est en face de soi mais où on lui sourit, spontanément, parce qu'on se reconnaît un peu en elle.

Il a arrêté de pleuvoir, samedi, et les traces se sont effacées. Moi, j'ai terminé la journée sur les genoux et j'ai quitté la librairie définitivement.

Mais auparavant, j'ai pris soin de semer, discrètement, des petits cailloux blancs pour en retrouver le chemin.

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